Mémoire navale : chapitre 5 - les chantiers au coeur de la vie des seynois / 2ème Partie

Ici sur cette photographie un autre symbole de la ville :

la porte des chantiers 


qui au rythme de la sirène (autre symbole seynois) voyait passer chaque jour des milliers d’ouvriers entrer et sortir des chantiers.  

Parlons un peu maintenant d’urbanisation ou si tu préfères de la ville car il faut bien loger tous ces ouvriers et leurs familles.

La population du centre-ville augmente considérablement au détriment des campagnes. 
Si en 1852 la population de la Seyne comptait 7 400  habitants en 1911 elle en compte déjà 19 825 et en 1931 ce sera 24 144 (avec St Mandrier). 
Les conditions de vie et de travail ne sont pas toujours facile. 
L’eau courante n’existe pas, il faut aller chercher l’eau au puits ou à la fontaine
On lave son linge au lavoir comme le montre la photo. 


Observe cette photographie  : 
peux-tu décrire cette scène de famille ?


Les ouvriers en plus de conditions de travail pénibles étaient souvent mal logés, entassés dans le quartier de la Lune où la saleté était telle que les maladies proliféraient. 
Une épidémie de choléra en 1865 tua plus de 500 personnes.

Petite devinette ! 


Je m’appelle « le torpilleur des rues ». 
Je passe tous les matins. 
Je vais répandre dans les champs mon contenu.
Grèce à moi, les plantes pousseront bien.
Je disparaitrai en 1952.
Quelle était ma fonction ? 

Jusqu'en 1952, les habitants de La Seyne-sur-Mer n'avaient pas de tout-à-l'égout, ils vidaient donc leur pot de chambre (la toupine) dans un véhicule (le torpilleur) qui passait tous les matins pour ramasser les excréments. Ils étaient répandus dans les champs pour servir d'engrais « naturel ». 
En 1952, on construit un émissaire, c’est-à-dire un tuyau/tunnel pour acheminer les eaux usées de notre ville jusqu'à la mer
Cet émissaire commun avec Toulon part de Lagoubran et arrive au Cap Sicié dont il traverse la roche. Sa construction sera dangereuse (plusieurs morts) et coûteuse mais permet notre confort actuel car il est encore utilisé avec des améliorations dans un souci d'écologie. 

Revenons aux ouvriers qui vont se révolter
Ils se réunissent d’abord en cachette puis s’organisent en syndicat : le 1er syndicat seynois constitué de charpentiers apparait en 1893. Ils font des grèves pour revendiquer des améliorations sur leurs conditions de vie et de travail


Enfin entre 1910 et 1922, un code du travail est rédigé pour protéger les travailleurs. Mais c’est en 1936 que les salariés obtiennent quelque chose d’extraordinaire : les congés payés



La vie est bien plus agréable et les seynois ouvriers comme bourgeois peuvent profiter du hameau des Sablettes (voir article janvier 2015 dans les archives)


De plus l'appartenance aux chantiers dépassait le cadre du travail et les ouvriers pouvaient profiter de diverses possibilités :
- On y travaillait mais on pouvait s'y laver, y pratiquer du sport, s'y faire des amis, et parfois même s'y marier. 
- Un Comité d'Entreprise organisait les loisirs, vacances, repas, arbre de Noël et même des tournois de football mémorables entre ateliers. 
- Le petit-déjeuner était pris aux chantiers tous les matins et un repas de fin d'année offraient de grands moments de convivialité.
- Le salaire était versé tous les 15 jours et en espèces (on conservait son argent à la maison, pas à la banque). 



Écoute, 
on entend une autre sirène
 menaçante celle-ci... 


nous sommes au coeur de 
la seconde guerre mondiale

les FCM sont alors occupés militairement, les occupants allemands ont pris possession de Toulon et de sa flotte. Les activités navales et maritimes sont stoppées.    

C’est la date du 17 août 1944 qu’il faut retenir : pendant la libération de Toulon, les allemands donnent l’ordre de détruire les installations portuaires … Tout disparait, les archives et futurs projets, les ateliers, les cales, les engins… 



TOUT SAUF LE PONT-LEVIS

pourtant miné, qui fut épargné grâce à l’intervention de résistants qui faussèrent le système de déflagration. 

La guerre est finie... 
il est temps de reconstruire le site et on en profite pour s’étendre.  


La Seyne se relève et construit en 1948 un paquebot-bananier « Dubreka » pendant la phase de reconstruction et à partir de restes de matériaux trouvés dans les décombres


Maintenant plus rien n’arrête les FCM qui prospèrent avec les constructions de superbes navires comme le « Lyautey ». 



En 1960, les chantiers de l’Atlantique avaient construit le fameux paquebot « France » (voir article suivant) ; les chantiers de la Méditerranée vont construire en 1965 le paquebot « Sagafjord » commandé par une compagnie norvégienne. Cette construction durera 2 années et demi et occupera 2 000 ouvriers. 



Dans le même temps, on construit de nouveaux logements modernes : la cité de Berthe. 



Mais hélas, à cette date, les premières difficultés apparaissent obligeant les ouvriers à descendre dans la rue pour manifester.



Les Livres Blancs  
Une fin programmée 

La Mondialisation est à l’origine des difficultés. Les FCM doivent faire face à la concurrence de nombreux autres pays où la mains-d’oeuvre est sous-payée, malmenée et exploitée dans le but d’obtenir des navires à bas prix. 
Un « livre blanc » va alors être publié par l’Europe. 
Dans ce « livre blanc » on y trouve une marche à suivre prévoyant la fermeture de plusieurs grands chantiers navals européens dont les 5 grands chantiers français auxquels appartient celui de La Seyne-sur-Mer.



C’est la révolte, d’autant plus que l’état qui soutenait financièrement les chantiers réduit son aide

Au 19ème siècle, les ouvriers se sont battus pour 
améliorer leurs conditions de travail, 
au 20ème siècle, ils se battent pour 
sauver leur travail.

Est-ce que cela va marcher ? 
regarde le graphique suivant  



Et oui, en 1967, les chantiers redémarrent mais changent de nom : ils s’appelleront CNIM qui veut dire :

C comme C - - - - - - - - - - -
N comme N - - - - - 
I comme I - - - - - - - - - - - - -
et M comme M - - - - - - - - - - - 



CONSTRUCTIONS NAVALES ET INDUSTRIELLES 
DE LA  MÉDITERRANÉE


Un homme, Mr Marcel Berre va être à la tête et diriger les CNIM qui prospèrent , les effectifs passent de 2 600 à 5 800 employés. 
Un grand atelier de préfabrication est construit ainsi que des plate-formes très solides et adaptées pour recevoir des grands « blocs » (parties entières de navires), l'informatique apparait avec la salle des ordinateurs.


Sous l’impulsion de Mr Berre, l’activité se diversifie avec l’expansion du secteur terrestre : usine d’incinération, escaliers roulants, ponts flottants, tubes lance-missile, fabrication de travaux pour le nucléaire, etc
Dans le secteur naval, l’activité se diversifie avec l’industrie de haute mer (applée offshore) et on construit des « méthaniers ». 


Sais-tu ce que l’on transporte dans les méthaniers ?

Un indice : on le met dans ces grandes cuves que tu vois là 
(compare avec la taille de l'ouvrier).



Réponse : du gaz !

Entre 1972 et 1979, les CNIM sont à l’apogée de leur histoire : grâce à toutes ces activités, près de 35 000 emplois sont créés
En 1975, les Chantiers de La Seyne connaissent le plus beau carnet de commandes de toute leur existence, qui s’étalait jusqu’au premier 1981. 



Mais en 1977, l’Europe publie un deuxième « livre blanc » où on décide d’’accélérer la fermeture de presque tous les chantiers européens.
Mr Marcel Berre meurt dans un tragique accident de voiture le 5 avril 1980.

Les deux chantiers restants, ceux de La Ciotat et de La Seyne doivent fermer.
Dorénavant, la façade méditerranéenne doit désormais se destiner au tourisme. 


Dans le prochain et dernier article, nous allons voir les transformations et les réhabilitations du site…